Ce matin, je voyais un ami avec qui nous avions de nombreux sujets à aborder autour du sport et notamment de son enseignement.
Quand on est passionné d’un sujet, si l’on ne prend pas de recul, on est parfois surpris du manque d’investissement de ceux qui ne font que pratiquer.
On se demande pourquoi ils n’en font pas plus, surtout pour leurs santés.
A l’instar du nombre de pas recommandé par jour qui ne fait que diminuer, on se demande alors si l’on doit accepter et encourager ce nivellement vers le bas, ce qui est perçu comme, ou garder ses standards « élevés » par rapport à ce que l’on s’imagine, ce que l’on se raconte être bien.
Lorsque j’ai commencé la musculation, je ne rencontrais presque des passionnés sur les forums de musculation.
Les discussions que nous avions étaient d’un niveau exceptionnelle en regard des questions auxquelles je suis confronté chaque jour.
Au début des années 2000, nos débats pouvaient tourner autour de la meilleure forme de chélation pour tel ou tel minéral.
On échangeait, on s’énervait, on remuait tout l’internet afin de trouver des réponses.
Une fois à l’entrainement, on ne se posait pas de questions. Faire mieux que la semaine dernière ? C’était la norme.
Peu de personnes franchissaient la porte de la salle associative, souvent un peu lugubre, par hasard.
Ainsi, lorsque j’ai lancé le tout premier service de coaching à distance en musculation en 2006, je n’attirais que des passionnés, des gens qui étaient capables de se donner à fond aussi bien à l’entrainement qu’à table.
Ils n’étaient pas question de Cheatmeal chaque semaine.
On savait ce que l’on voulait et on faisait les efforts pour.
On savait que cela prendrait du temps et le jeu en valait la chandelle.
On s’investissait à la hauteur de ses ambitions pour avoir une chance de les concrétiser.
Puis la musculation s’est démocratisée (On peut remplacer « musculation » par n’importe quelle autre activité).
Les salles se sont multipliées et sont devenus le nouveau bistrot du coin.
Alors que l’on faisait de la musculation pour lutter contre sa nature, contre ce que l’on prenait comme injuste, pour prendre une revanche, avec une certaine rage de vaincre en soi, de nombreuses personnes se sont inscrites et donnés comme lieu de rendez-vous ce nouvel endroit.
Des personnes sans « Spirit » (Il n’y pas de jugement, juste de la constatation) ont envahi les salles mais sans cette passion, les résultats ne furent pas à la hauteur et ne le sont toujours pas.
Toutefois, les ambitions, les objectifs n’ont pas diminué pour autant.
Pire, ils ont augmenté.
Désormais, on ne souhaite et on ne peut plus prendre son temps.
Suivre son alimentation, manger sain, ne pas faire d’écart est devenue impossible pour la majorité.
Malgré tout, on souhaite ressembler à son idole, avoir les abdos apparents, avoir le look athlétique, être en super forme.
On veut être rapide, explosif, fort, musclé, endurant… Le package total !
J’ai pu constater cette décorrélation entre les moyens mis en œuvre et les objectifs de plus en plus importants depuis 2006, progressivement.
En tant que jeune coach, j’avais du mal à comprendre ce paradoxe.
On souhaite perdre du poids mais on se fait « plaisir » sans arrêt (Cf cet article « Faut se faire plaisir« ).
On va au cinéma et on se prend des Popcorn, des gâteaux et une boisson car c’est devenu normal.
On souhaite être en forme, avoir une « shape » mais on n’a que trois créneaux d’une heure pour s’entrainer par semaine, si ce n’est pas deux.
Pire encore, on part de beaucoup plus bas que les débutants de mon époque et le potentiel de progression est moindre.
En 2014, j’ai créé les fameux tableaux du Club SuperPhysique avec différents niveaux en ayant comme ambition, à l’instar des Arts Martiaux, de passer des niveaux à mesure du temps à pratiquer.
En 2021, suite à leurs intégrations dans l’incroyable application SP Training, j’ai du les modifier car les premiers niveaux étaient devenus inaccessibles pour la majorité des pratiquants.
Il y a donc désormais des niveaux cuivre et fer. Pour la blague, j’ai hésité à mettre encore un niveau : le niveau « Carton » !
Bien sur, j’exagère un peu pour le plaisir d’exagérer mais pas tant.
Je choisis mon principal domaine pour imager également mes propos mais cela concerne tous les pans de la société ou presque.
Alors que faire face à ce nivellement vers le bas ?
On peut choisir de ne pas changer, de se fermer à de plus en plus personnes.
On peut être dur avec autrui, rentrer dans le jugement perpétuel.
Mais on peut aussi accepter le changement, voir l’autre côté de la pièce et ne pas rester en surface.
De plus en plus de personnes font de l’activité physique et c’est super !
Oui, ils partent de plus bas, ont moins de capacités et ont peu de temps pour les développer.
Ils ont des objectifs démesurés parce qu’il y a des escrocs qui pullulent sur les réseaux sociaux qui promettent des résultats en trois séances de vingt minutes par semaine en 6 semaines tout en mangeant des bonbons et des chips, arborant des physiques construits bien différemment.
Notre rôle, si je le dis ainsi, n’est pas d’être dans l’affrontement, dans le combat mais dans l’exemplarité, le partage.
Si déjà, on n’est pas l’exemple de ce que l’on préconise, ca démarre mal et je me « bats » joyeusement avec des centaines d’élèves que je forme chaque année qui envisagent de devenir coach à ce sujet.
Notre but n’est pas de dévaloriser autrui parce qu’il n’a pas les aptitudes de ses prédécesseurs.
Il n’est pas de le confronter à ses manques à chaque séance, à chaque minute de celle-ci.
Il est dans l’apprentissage, la pédagogie, l’adaptation parce que faire un peu, c’est mieux que de ne pas faire.
Cela me rappelle un faux débat que j’avais eu avec un « vieux » préparateur physique au sujet de l’intégration de l’haltérophilie qu’il jugeait indispensable.
Analysant des centaines de personnes chaque année via les Coaching Premium que je propose, je lui ai répondu que pour la majorité des gens que je voyais, ils leur étaient impossibles de faire de l’haltérophilie, même les semi-techniques.
D’autant plus quand on sait que la mobilité ne se développe pas en la forçant sur les mouvements que l’on n’arrive pas à faire pour la majorité des gens (C’est d’ailleurs une très bonne façon de se blesser…).
Mais il restait borné sur ses positions : C’était indispensable ! Il avait choisi d’y croire et ne pouvait pas revenir dessus.
Aujourd’hui, et cela depuis des années, j’ai pris le chemin inverse : Il n’y a pas d’obligation.
Pas de norme, de niveau normal, de comportement obligatoire.
La vie, ce n’est que faire au mieux avec ce que la nature nous a donné, rien de plus.
Croire que parce qu’on veut, on peut, c’est un mirage.
Croire que parce qu’on peut, d’autres peuvent, c’est se prendre pour le centre du monde.
Nous sommes tous différents et bien que le niveau soit plus en plus bas, cela ne m’empêche pas d’essayer de faire mieux ensemble que seul.
Ce n’est pas une question de niveau.
Ce n’est pas une question de nivellement.
C’est une question de faire.
C’est une question d’état d’esprit comme l’explique Carol Dweck dans son livre « Osez réussir« .
Je ne sais pas ce qu’il est possible de faire mais je sais que l’on doit s’adapter à chacun, essayer de faire au mieux et on verra où ca mène car notre passion, en tant qu’éducateur, est avant tout de transmettre, d’encourager, de valoriser et d’aider chacun à évoluer.
Nous ne sommes pas là pour juger, pour discréditer, pour rabaisser.
Nous sommes là pour construire, faire mieux ensemble que seul.
Le reste, nous n’avons aucun pouvoir dessus.
On brandit le spectre de la responsabilité individuelle à tout bout de champs quand nous sommes un monde de manipulation de tous les instants, de tous les domaines.
Que nous sommes drogués perpétuellement en fonction de ce à quoi nous accordons de l’attention.
Alors faisons au mieux avec nos contraintes, avec les contraintes de chacun, dans la bienveillance.
Car chacun d’entre nous et j’en suis persuadé, essaie de faire au mieux avec ses contraintes.
Nous nous jugeons déjà assez pour recevoir le jugement d’une « figure d’autorité » qui souvent ne connait pas le contexte.
Nous savons très bien quand nous prenons du mauvais poids, quand nous avons mal agi.
Nul besoin d’insister dessus.
Adaptons-nous, essayons d’avancer ensemble et nous verrons jusqu’où nous irons ensemble.
Mais ce qui est sur, c’est que ce nous aurons appris sur le chemin, ensemble, vaudra de l’or.